Les Moana's

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lundi 13 octobre 2014

Marquises - Tuamotus : cap sur les atolls



Lundi 13 octobre

Nous quittons Hiva-Oa, non pas tôt dans la matinée, mais vers 15h. Comme on a 520 milles à parcourir, ça n’a pas grande importance, il est impossible de savoir à l’avance à quelle moment de la journée ou de la nuit nous arriverons.

En bateau, quand on décide de partir, il faut faire le plein de gas-oil, d’essence, de gaz, d’eau, quelques courses, bref, tout ce que l’on n’a pas pu faire pendant le week-end ni avant du fait des réparations sur le moteur.

Dire au-revoir aux bateaux copains.

Et puis il faut vider le poisson, petit stock pour la navigation, équivalent de 3 repas. Car un pêcheur nous a fait cadeau d’un beau thon, Guy lui dit ‘ouah super merci, combien je te dois ?’ le marquisien lui répond ‘rien du tout je te le donne, c’est comme ça aux Marquises’… il avait fait une bonne pêche le matin, il était content, il partage, c’est pas plus compliqué que ça. Deux mois que nous sommes ici, et cette attitude nous surprend encore car notre esprit est modelé par la société de consommation et ses lois financières.

Cap au 180, on longe l’île de Tahuata, jusqu’à la pointe sud, on se fait un peu secouer, vent  et houle de travers, mais peu après le coucher du soleil, on prend le  cap définitif (si le vent ne tourne pas) 230° sur Ahé, atoll situé à l’ouest des Tuamotus.

Au-revoir les Marquises…

Nous voilà en route pour les lagons et le turquoise.




Cette navigation sera très confortable, plus confortable qu’un mouillage marquisien, pas de roulis, pas de choc, pas une goutte d’eau salée sur le pont, on peut naviguer les hublots ouverts, dans une mer calme avec une houle longue de 1m à 1m50 que l’on sent à peine. Vent faible, entre 10  et 15 nœuds, mais soufflant dans la bonne direction. Nous marchons avec les voiles en papillon, génois tangonné.

Quelques grains et un peu de pluie fine continue le mardi matin, mais pas de grosses accélérations de vent, max 22 nœuds pendant quelques minutes.

Le mercredi soir, le vent faiblit, à peine 10 nœuds, on se traine et on se dit qu’il faudrait sortir le spi, mais le soleil va se coucher dans 1heure et demi, le temps d’extraire la voile de dessous la couchette de Manoa, et de l’installer, il fera noir, et pas question d’avoir le spi la nuit. On verra demain… Finalement les jeudi et vendredi le vent souffle à nouveau suffisamment et on avance assez bien.

Le vendredi en milieu de journée, il reste 90 milles, on réduit la voilure pour éviter d’arriver de nuit sur les atolls. Du coup le voilier ressent un peu plus la houle qui vient d’Est, on roule plus et surtout la bôme claque fréquemment.

Il fait chaud même la nuit, on navigue en tee-shirt, très doux, plus chaud que durant les nuits aux Marquises qui étaient fraîches et nous permettaient de bien dormir, contrastant avec la chaleur assommante de la journée.

Dernier coucher de soleil en mer le vendredi soir : 

Samedi 18 octobre

4h du matin. D’après les instruments il reste 8 milles. Avant l’aube, on cherche la terre, toujours rien… impossible de voir les cocotiers dans le noir. On distingue une lumière provenant de l’atoll de Manihi. Le radar détecte les ‘îles’ c’est une bonne surprise, et c’est très rassurant,  il ‘voit’ les cîmes des cocotiers, puisque rien d’autre sur les motus n’est assez haut, pas de montagnes ici.

La phrase de Simon (chez qui on a mangé à Fatu-Hiva) nous revient en tête. Pendant la conversation on lui avait dit qu’on partait bientôt pour les Tuamotus, et on lui a demandé ‘c’est comment là-bas, mieux ou moins bien qu’ici ?’ il a répondu ‘c’est bas...!’.  Réponse banale à une question bête… mais reflétant bien la réalité au final, on avait bien ri.

On a une pensée pour les anciens navigateurs, sans GPS, sans radar, faisant leur point uniquement au sextant, l’archipel des tuamotus était surnommé l’archipel dangereux, et pour cause il est tellement facile de s’échouer pendant la nuit ou pendant un grain, sur le récif que l’on ne voit qu’au dernier moment, la moindre erreur de position est fatale, d’autant qu’il y a toujours une dérive due au vent et au courant, qu’il faut compenser en permanence. Quant à entendre les vagues qui roulent sur la barrière de corail, c’est impossible si le vent vient sur l’arrière.



5h le jour se lève, ça y’est on distingue les motus nord de l’atoll Ahé, on est à 3 milles. Ouf c’est tout de même plus rassurant lorsqu'on les voit (à l’extrème droite sur le cliché). 


Le soleil monte dans le ciel, et le vent faiblit, il tourne au nord-ouest, puis revient à l’Est, puis rechange, on passe la GVoile d’un côté puis de l’autre, et finalement Eole nous abandonne, pétole… 

Mise en route du moteur, on longe tout doucement la côte nord de l’atoll pour arriver à la bonne heure en face de la passe Tiareroa (la seule pour entrer à Ahé), elle n’est pas encore visible, on voit seulement des brisants tout le long du récif qui protège l’atoll des assauts de l’océan.

Contrairement à ce que la logique nous dicte, dans les Tuamotus, il y’a marée haute au lever et au coucher de la lune, et marée basse lorsque la lune est au méridien supérieur (zénith) ou au méridien inférieur (de l’autre côté de la Terre).

Nous avons en plus des éphémérides, les heures précises des marées sur le GPS traceur, avec par chance certains atolls, dont Ahé. Chaque atoll étant séparé deplusieurs dizaines de milles, il y’a un écart non négligeable.

Il faut prendre les passes au moment de l’étale, de préférence étale haute, c'est-à-dire juste après la marée haute, les étales sont les seuls moments où le courant est nul ou le plus  faible, ce jour l’étale haute est entre 13h30 et 14h.  On peut prendre la passe aussi avec le courant entrant, mais s’il est fort, il est délicat de rester manoeuvrant.

Le courant est le plus faible aux moments de l’étale. La renverse de courant est très rapide, quelques minutes. L’amplitude des marées est faible, 30 cm maximum. 

Nous décidons de profiter de l’étale basse à 7h30 du matin, la passe étant balisée et ‘facile’, la mer est calme, et le courant ne doit pas être fort. 



Soleil dans le nez, il est levé depuis presque 2 heures mais pas encore assez haut dans le ciel. Si la passe n’était pas aussi large, nous aurions attendu 6 heures de plus.

Mais elle est balisée, elle fait 200m de large, et 12mètres de profondeur. Le seul danger c’est un haut fond à 1m60 à droite juste après la passe en entrant mais il est balisé aussi et on le voit malgré le soleil.

Le haut fond 

Courant à peine 1 nœud contre nous, courant ou vent d’ailleurs on ne sait pas ? car vent (mais très faible) dans le nez. Cette passe est d’ailleurs difficile à négocier sans moteur, car le vent dominant vient de face, avec un moteur, aucun problème. L’eau est très claire, et il semble que l’on puisse toucher le corail, malgré les 12 m de profondeur. 

Ca y’est, la passe est derrière nous, MOANA est dans le calme du lagon.

Puis on suit le chenal jusqu’au village, situé à 2,5 milles au sud de l’atoll. Il y’a environ 40 m de profondeur, on n’imaginait pas autant de fond dans un atoll. Il y’a par contre des patates de corail à fleur d’eau, ou des récifs un peu partout, mais tous signalés aux abords du chenal. Le chenal est même praticable de nuit, mais on laisse cette aventure là aux petites embarcations locales sans tirant d’eau. 

On contourne la dernière balise rouge, pour entrer dans la zone de mouillage. Lieu doublement protégé, car ancrage derrière un récif, un petit lagon dans le lagon.

Et voilà, on met l’ancre entre deux patates de corail et on se place, ce n’est pas très grand, heureusement nous sommes seuls, l’évitement des autres bateaux et des patates est fantaisiste en cas de renverse du vent. 

Nous sommes devant le village de Tenukupara, avec une vue imprenable sur le motu Poro-Poro, ancrés au même endroit que Joshua (le voilier de Bernard Moitessier) un peu plus de 35 ans plus tôt…

On distingue le récif, ligne bleue claire, presque blanche




Le motu Poro-Poro


Les farés en bois de l’époque Moitessier, les grands cocotiers et les arbres fruitiers ne sont plus là, emportés par les forts vents. 

Une grosse ferme perlière est installée en bordure du motu, sur pilotis.

  Le village de Tenukupara


C’est beau, c’est bleu, et c’est calme.

Il est 8h45. Latitude  14° 32’ 13’’ Sud /  longitude 146° 21’ 26’’ Ouest


Les Tuamotus sont à la même heure que Tahiti, soit une demi-heure de moins que les Marquises situées plus à l’Est, on est donc à TU – 10h (12h de décalage avec la métropole pendant l’heure d’été, le calcul est facile !) 

L’archipel des Tuamotu (comme les Marquises) a son propre drapeau :



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Vitesse moyenne sur le parcours : à peine 4,6 nœuds, pas fameux, mais confortable.

Nous n’avons pas vu un seul bateau, cette zone du Pacifique Sud est vraiment déserte.

Le moteur a parfaitement fonctionné lorsqu’on en a eu besoin, en fin de parcours pour l’entrée dans l’atoll et la traversée jusqu’au village.

Pourquoi Ahé ? car c’est ici qu’à vécu Moitessier, et que ça fait plusieurs années que l'on a envie de partir sur ses traces..., parce-que la passe est facile, praticable tout le temps, sauf en cas de houle de nord-ouest (très rare), et parce-que cet atoll est loin de l’agitation touristique.

Nous allons rester ici au mouillage devant le village au moins jusqu’à début novembre, les enfants vont à l’école du village jusqu’aux vacances scolaires qui débutent le vendredi 31 octobre.

Nous attendons également notre copain Renaud, qui est actuellement à Tahiti, et qui nous rejoint dès que les dernières réparations de son voilier Baragwin sont effectuées.


Ensuite, selon le vent nous nous dirigerons soit vers les atolls de Tikehau et Rangiroa, soit un peu plus à l’Est vers Fakarava et Tahanea, avant de rejoindre Tahiti et l’archipel de la Société mi décembre.



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Le réseau téléphonique est encore plus mauvais qu’aux Marquises (si si c’est possible), mais voilà nous sommes tout de même au bout du monde… au beau milieu de l’océan pacifique.

Pour les emails ça fonctionne bien car il n’y a que du texte, mais pour internet c’est une autre histoire.

Cette petite page du blog m’a demandé environ 10 heures de connexion répartis en plusieurs fois, alors que vu le nombre de photos (dont la taille est réduite à moins de 100ko) avec un débit classique, j’en aurai eu pour à peine deux heures de rédaction et de mise en ligne. Il faudra donc patienter pour  la lecture de nos aventures à Ahé, attendre de trouver une connexion plus rapide.

Vous pouvez nous écrire, mais surtout pas d’envoi de fichiers, il nous faut près de 20 minutes pour obtenir une photo de 100 ko sur la messagerie…




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