Les Moana's

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mercredi 23 décembre 2015

Les pirates, à la veille de Noël dans l'hémisphère nord

23 Décembre 2015

Voilà un peu plus de cinq mois que nous sommes de retour 'chez nous' sous le ciel de la Grande Ourse et de l'étoile Polaire. Que signifie le 'chez nous' lorsqu'on a déjà vécu 6 ans autour de l'Equateur... ? probablement que le 'chez nous' est là où on se sent bien, à moins qu'il soit là où on a choisi d'être (pour ceux qui ont le choix), ou bien là où se trouvent nos racines... ou bien un peu partout ou nulle part... aujourd'hui je n'en ai aucune idée.

Nous vous avons laissé deux mois sans nouvelles, milles excuses... nous avons été bien occupés, ce qui fait rire notre entourage puisqu'on ne travaille encore pas réellement.


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Que vous avais-je promis en octobre ?
heureusement pas grand chose... d'insurmontable :

- le blog est remis en ligne à plus de 99% par le capitaine insomniaque (il manque 2 pages au moment où j'écris ces lignes). Encore un grand merci à Pascale G et Dominique P pour leurs sauvegardes, sans vous, aie, je n'ose y penser, notre album photo aurait été englouti, à cause de l'équipe d'informaticiens incompétents du site STW, c'est donc un merveilleux cadeau que vous nous avez donné.

- l'album photo est imprimé à moitié (en commençant par la fin, de Tahiti à Panama), livre par livre, étape par étape grâce au site Blookup qui me permet d'éditer le blog, moyennant des dizaines d'euros pour chaque livre. Manoa est très content de revoir les photos du voyage, et moi je ne m'en lasse pas... je lis et je relis mes propres écrits, nos aventures, et je savoure encore les paysages.

- mon abécédaire des animaux du monde pour les enfants est disponible en plusieurs exemplaires. C'est un petit livre 'made in Chaponnay' puisque créé par moi (illustrations avec le logiciel Illustrator) et imprimé à Chaponnay dans une imprimerie qui se bat pour garder la tête hors de l'eau. Si vous avez un petit cadeau à faire, contactez-moi. Merci d'aider les ex-navigateurs sans travail... 
abécédaire de fany ici
http://www.leboncoin.fr/livres/891170162.htm?ca=22_s

En projet :

- notre livre 'les enfants de l'océan' est un long travail, mais j'ai de bonnes bases, et d'autres idées déjà écrites au brouillon. Il deviendra réalité, je n'ai aucun doute là-dessus.

- une conférence sur le voyage sera donnée au printemps dans la salle des fêtes de notre village (date non encore connue).


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Que faisons-nous depuis notre atterrissage du 15 juillet 2015 ?

Les retrouvailles famille et amis furent intenses et joyeuses, mais de courte durée. Chacun a repris ses occupations début septembre.

Nous nous sommes réappropriés la maison, les placards, les jeux, beaucoup de rangement fut nécessaire, de tris, des dons et des ventes, bon sang ce qu'on peut accumuler dans une maison, tant de choses inutiles qui ne servent à rien...

Nous avons profité longuement de notre petite piscine (plus petite que les lagons) et nous profitons toujours de notre grande maison.
Nous sommes parait-il rentrés pendant une période de canicule, tant mieux, pour nous ce fut parfait, puisqu'il faisait même plus chaud qu'en Polynésie (hiver tropical là-bas).
L'été fut excellent d'un point de vue météo, l'automne également et l'hiver ne semble pas vouloir pointer son nez, il ne pleut pas, la planète a soif et le soleil continue de briller. Zut, nous qui attendons avec impatience de pouvoir faire des bonhommes de neige !
Cette météo étrange nous aura permis de nous réaclimater tout doucement.

Les enfants, après deux années d'une vie saine, à l'air pur, et sans aucune maladie semblent continuer sur le même rythme, malgré la profusion des rhumes / angines / gastro... à l'école, tant mieux ! La pharmacie de bord dort donc toujours mais dans la maison.

Nous avons récupéré sans casse tous nos cartons de déménagement ainsi que ceux confiés au service OPT (poste de Tahiti). On n'y croyait plus... mais ouf les cargos n'ont pas coulés. Tout est là, et ce fut fin octobre et début novembre un peu noël tous les jours, avec l'ouverture des cartons un par un : jouets, livres, souvenirs, vêtements, bijoux, peluches... les enfants étaient ravis. Nos affaires ont donc parcouru le tour du monde complet, par l'ouest du Pacifique, l'Océan Indien, et la mer Rouge ... quel périple. la Terre est bien ronde.



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C'est toujours un délice, et un luxe de prendre des douches d'eau douce chaude, de laver notre linge dans une machine, de faire fonctionner le lave-vaisselle, d'aller faire les grosses courses en voiture. La modernité et le confort sont bien appréciables. Nous avons une chance inouie au quotidien. Mais du gachis aussi...

Nous apprécions tous les soirs notre lit aux draps secs et propres, et notre habitation qui ne gite pas. Guy est totalement rassuré, même avec du fort vent, l'ancre tient, et les nuits sont paisibles.

Qu'en est-il de notre vie à terre ?
Ce paragraphe concerne les adultes. La réadaptation n'est pas facile, en réalité l'équation est plus complexe, l'adaptation est possible mais il faut en avoir envie. Et en avons-nous réellement envie ? 
Se réadapter totalement signifierait oublier le voyage et ce qu'on y a vécu, hors de question. Il nous faut donc apprendre à vivre avec ce grand périple et nos souvenirs gardés dans nos têtes et nos coeurs, les ressortir si besoin, les partager avec quelques (très peu de) personnes. La tâche est ardue, mais on le savait, on l'a déjà vécu une fois à notre retour de Guyane.
Il serait plus facile de se replonger dans la société de consommation, la vie à cent à l'heure, dénuée de sens profond, ne pas réfléchir, ne pas prendre du recul, et se sentir à nouveau un mouton, un fantôme. beurk... Beaucoup de gens ici nous ont demandé s'il ne nous semblait pas trop difficile de revenir à la 'vraie' vie, à la 'réalité' ? mais où se trouve la réalité et la vérité ? ici ou ailleurs, à terre ou en mer ? Question de point de vue ou d'habitude.
Pour moi ici tout est faussé, la vraie vie doit être en harmonie avec la nature, les éléments et les animaux (dont nous faisons partie), et non pas à vouloir tout diriger et tout contrôler.
La difficulté est donc de se fondre dans le quotidien mais en apparence seulement, sans y perdre notre tête et notre âme. 
Le décalage avec les autres (ceux qui n'ont pas vécus comme nous) est là, et il sera toujours là, il faut parvenir à le considérer comme une richesse et non comme une barrière.

Nous vivons encore 'coupés' du monde car nous n'avons pas repris un rythme métro boulot dodo. Notre petit village est calme, loin de la ville. La télévision est éteinte, si le monde s'effondre ou si une guerre est déclarée, nos voisins nous tiendront au courant, pas la peine de perdre du temps, s'engluer les neurones et se noircir l'esprit avec les informations télévisées toujours moroses.

Nos journées depuis notre retour sont malheureusement plus remplies de peines que de joies, et comportent plus d'angoisses que de satisfactions.
Pour ma part, les craintes du matin (la grosse boule dans le ventre) dues au manque et à la peur de l'avenir ont en partie disparues, ce qui est déjà bien. La journée se passe, sans grande motivation, sans trop de souffrance non plus. Mais je me sens vide, inutile et souvent une grande tristesse s'empare de moi. 
Il me faut un autre projet pour me tirer en avant, mais je ne l'ai pas encore trouvé.
Je n'oublie pas de garder à l'esprit que ne pas avoir réalisé mon rêve serait sans doute pire, nous l'avons fait et il est difficile de refermer la parenthèse, mais nous l'avons fait.
Je suis heureuse d'avoir pu vivre pleinement tout ça, même si la douleur est parfois immense, je ne regrette rien.
Si je ne trouve pas un autre projet, je reprendrai sans doute mon ancien travail dans l'informatique après l'écriture du livre.
L'espace, la lumière, les nuances de turquoise sont ce qu'il me manque le plus, ainsi que l'authenticité et l'accueil des gens, les couleurs des coraux et des poissons, la grâce des mammifères marins. Mais nous avons vu tout ça, ça existe, ce monde là est donc bien réel, et il est sur la planète Terre, donc pas si loin finalement...

Guy effectue les démarches pour monter son entreprise de travaux et dépannages à domicile, tout corps de métier confondu, vous avez pu voir que ce soit à la maison ou dans le voilier, qu'il excelle à peu près dans tout, se transforme en Mac Gyver au besoin et parvient à résoudre les avaries et pannes avec ses mains, sa tête et son savoir-faire.
Mais il se retrouve face à la paperasse administrative de la France, et la tâche est plus ardue que prévue, d'autant que les lois ont changé il y'a quelques mois. Ce n'est pour l'instant pas dramatique, nous avons le temps.

Du côté des enfants, c'est beaucoup plus facile.
Ils parlent rarement du voyage spontanément, mais si on leur pose la question, ou si on leur demande 'tu te rappelles de ceci ?' alors ils sont intarrissables, Manoa aimerait revivre sur le voilier mais une année seulement, Louna veut encore nager dans l'eau claire et chaude, et ils souhaiteraient tous les deux se balader encore au milieu des poissons et des coraux, et manger les poissons grillés sur les îlots et motu.
Leur monde est encore empli de mer, de vagues et de bleu, la nature, les animaux et les rencontres les ont marqué, pourvu qu'ils gardent tout ça en mémoire.

J'ai effectué (à la demande de la maitresse) une présentation du voyage dans la classe de Manoa, il y'avait en fait les deux classes de CE2 et les deux maitresses, beaucoup d'anciens et nouveaux copains de Manoa qui savaient qu'il était parti en voilier. Tout le monde fut ravi, et ça lui permettra de mieux s'intégrer avec ses amis à l'école.
Notre petit pirate reste un petit garçon calme et posé, préférant les livres et les jeux de cartes au ballon et aux jeux de guerre.
Le premier trimestre fut très difficile pour lui en classe : rythme nouveau, bruit incessant, nombreux enfants, horaires compliqués... Il va beaucoup mieux depuis novembre, il y'a encore des lacunes en français (orthographe grammaire conjugaison) mais je ne suis pas certaine qu'en ayant suivi une voie 'classique' il aurait été meilleur. Certains aspects de l'école ne sont pas faits pour lui, il n'est pas prêt ou pas intéressé. Les devoirs du soir prennent beaucoup de temps mais ça se passe mieux qu'au début, ouf.

Louna a fait son entrée en Grande Section de Maternelle, grand moment pour elle puisque notre petite sirène n'avait connu que la crèche avant le départ, et quelques semaines d'école en Polynésie.
Ni peur, ni pleure, ni angoisse, mais pas très motivée les premiers temps. Le second matin elle nous dit 'oh la la mais il faut encore aller à l'école ?' l'air de dire, mais qui a donc inventé ce truc stupide, j'étais bien moi sur mon bateau... à jouer et nager.
Heureusement, en quelques semaines elle a retrouvé le sourire et la parole en classe, s'est fait plein de copains, et elle est très contente d'y aller.

Ils trouvent tout de même bizarre de manger de la viande tous les jours à la cantine. 
Louna a mangé aussi du poisson mais pas 'du vrai', il est carré, sans arrête, sans sang, sans écailles et sans yeux pour jouer avec.
Elle est allé au cinéma hier pour la première fois. Elle a été étonnée de la taille gigantesque de l'écran de télévision !


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Un morceau de la société de consommation nous a rattrapé en ce mois de décembre.

Tout deux vont avoir les yeux qui brillent devant leurs cadeaux au pied du sapin, (je crains que le papa noël fasse des excès cette année). C'est une joie pour nous de les voir heureux, mais je préfèrai tellement revoir leur yeux scintiller devant la luminosité des lagons...

Ils sont conscients de la chance qu'ils ont, à la fois d'avoir fait ce voyage, et d'avoir des cadeaux le matin de noel, espérons que ça dure... et qu'ils ne deviennent pas trop gourmands.
Cette chanson ci-dessous plait beaucoup à Manoa, et à moi aussi.
Groupe Pitt Ocha (les Ogres et les Ogrillons) titre 'Ces petits riens'
mettez le son et cliquer ici
https://www.youtube.com/watch?v=m84jcIpHQK0

Nous vous souhaitons à tous de bonnes fêtes de fin d'année, malgré les peines, les disparus et les malades. 
On va essayer de ne pas penser où nous étions il y'a un an en arrière, et tenter de profiter de la famille et des amis qui nous entourent.
Rendez-vous l'an prochain pour la suite de nos aventures à terre.

Grosses bises des pirates sans moustiques, loin des lagons turquoises des tropiques, et des motu du Pacifique.
Fany Guy Manoa & Louna