Les Moana's

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vendredi 27 décembre 2013

Traversée Canaries - Cap Vert


Vendredi 27 décembre

11h du matin, on quitte le mouillage d’Arguineguin, sous un ciel gris, cap 215° vers l’archipel du Cap Vert, plus précisément l’île de SAL, à l’Est.

Pour nous souhaiter une bonne traversée, deux globycéphales croisent notre route à peine 10 minutes après notre départ. Ils sont observés et suivis par des bateaux de touristes.               




Vent annoncé portant, nord-ouest, force 3, mais rien ne gonfle les voiles, on fera environ 2 heures de moteur, pour s’éloigner suffisamment de l’île, et que les montagnes de Grande Canarie ne nous coupent plus le vent.

On est à environ 10 milles de l’île.             

On aperçoit encore la côte sud de Grande Canarie derrière nous.                

En milieu d’après-midi, le vent faiblit et souffle du sud, puis sud-est, rien à voir avec les prévisions… ??

La houle est croisée, la bôme tape à cause du roulis, on se traîne à 2,5 nœuds, à ce rythme là, il nous faudra plus de deux semaines pour atteindre les îles du Cap Vert…

On affale la GVoile et on met génois + trinquette en croisés maintenant que le vent vient à peu près de l’arrière.

18h30, Grande Canarie disparait dans le coucher de soleil.

Vers 21h, notre vitesse descend à 1 nœud… euh bon finalement c’est reparti pour le ronron du moteur pour 2 petites heures.

Peu avant minuit, enfin ça souffle.



Samedi 28 décembre

Cette fois-ci la traversée commence, vent du nord 6 nœuds, on avance en allure grand largue, vitesse 4 nœuds.

5h du matin : latitude 27° 0’ 0’’

L’éolienne tourne enfin, le vent à forci, on avance à 4,5 puis 5 et 6 nœuds, et jusqu’au bout on fera une moyenne de 5,3 nœuds, des pointes à 8-9 nœuds, et des jolis surfs à 12 nœuds.

Il y’a une dépression sur les Canaries, vent du nord force 6-7 annoncé pour le dimanche, mais en descendant vers le Sud, on s’en éloigne, et on profitera d’un vent bien établi, navigation un peu sportive, mais sans se faire peur.

Lever de soleil :


La mer est encore calme.

J’enlève les drapeaux des Canaries et celui de l’Espagne, que l’on avait hissé il y’a bien longtemps, ce devait être le 11 août avant notre arrivée sur Cadaquès, on a l’impression que ça fait des années…                

Les dauphins s’approchent pour jouer, dans le soleil couchant.                


Dimanche 29 décembre

2h du matin : le vent continue de monter, on enroule le génois et on le remplace par la trinquette qui sera notre voile d’avant jusqu’au dernier jour.

La mer est de plus en plus grosse, quelques vagues déferlent, et le vent souffle jusqu’à un peu plus de 25 nœuds. Ce sera la journée la plus ventée.

Les enfants me rejoignent dans le cockpit avec leur polaire.

Le soleil se lève et nous révèle la hauteur des vagues. Bon pas plus de 3m, ça va.               







Ce midi, il était prévu lentilles, mais on utilisera notre joker de la semaine, les sandwichs. Je n’ai pas envie de rester 30 minutes coincée à tenir la cocotte minute sur le gaz.                

Les enfants s’amusent en regardant les vagues arriver sur l’arrière.               


Ils font les clowns, je surveille tout de même sérieusement si une déferlante ne va pas les saler.                



Coucher de soleil :                


21h : latitude 24° 0’ 0’’ . Il reste environ 500 milles à parcourir.



Lundi 30 décembre

5h30 : Passage du Tropique du Cancer, youpiiiii ! latitude 23°26’.

2014 sera donc pour nous une année sous les tropiques, qu’on ne quittera pas pendant les 12 mois qui viennent.

On est contents, même si c’est symbolique, après presque 5 mois de voyage, nous avons enfin atteint les latitudes tropicales. Ceci étant, on a vraiment pas l’impression d’y être, il fait froid, surtout la nuit (4 épaisseurs sous la veste de quart, bonnet, collant et chaussettes), et l’eau est encore bien fraiche.

De plus, il nous faudra attendre d’être de l’autre côté de l’Atlantique pour croquer dans les fruits gorgés de soleil, admirer la végétation luxuriante, plonger dans le turquoise et palmer au milieu du corail.

Pour l’instant nous avons rendez-vous avec un morceau d’Afrique à la dérive : l’archipel du Cap Vert, oublié des pluies et balayé par le vent qui souffle en moyenne entre 15 et 25 nœuds  à cette période de l’année. C’est donc un climat chaud et ensoleillé mais très sec, quasiment pas de végétation, peu de cultures, et pas d’eau.

Lever de soleil et des schtroumpfs :                


Je me lave les cheveux sur la descente avec la douchette, entre deux déferlantes, la mer est un peu plus calme que la veille.


Cliché rigolo, Guy fait un panoramique pendant que je bouge… du coup le voilà avec deux Fany qui râlent, le pauvre… ce serait pourtant bien utile pour moi de me dédoubler, pour faire à manger, tenir la barre, manœuvrer, lire, apprendre quelques mots de portugais, m’occuper des enfants, ranger, …  
         

Tiens, un oiseau :

On fait un essai en fin de journée, 3 voiles pour MOANA ! trinquette et grand voile arisée sur tribord, génois sur babord, on fonce à 6,5 nœuds.



Guy aperçoit le souffle d’une baleine à moins de 50m du bateau, on retient le nôtre en attendant que  le gros mammifère marin se montre, mais on ne la verra pas malheureusement.





Mardi 31 décembre

Dernier jour de l’année !

Il est l’heure, depuis le temps qu’on en parle, de jeter une bouteille à la mer.

Je me mets au travail avec Manoa, dessins, texte, coordonnées GPS, date, noms.   
             


Une bouteille de vin (vide), un bouchon, le tout roulé dedans. Et hop les enfants jettent la bouteille par-dessus bord.



On espère que quelqu’un la trouvera.

Guy et Louna siestent, pendant que Manoa dessine.


Et moi je termine enfin le pavillon du Cap Vert (commencé à Lanzarote), j’ajoute les 10 étoiles jaunes, représentant les 10 îles. Les étoiles sont des ronds, impossible de découper les branches des étoiles dans du ruban qui s’éfiloche, et impossible à coudre.



Rassurez vous les copains, je ne compte pas me reconvertir dans la sellerie ou dans la couture. Au sommet du hauban, personne ne verra que les étoiles sont rondes…



18h30, juste avant le coucher du soleil, nous avons droit à un feu d’artifice comme on ne peut en voir qu’en navigation : des dauphins, nombreux, sont venus jouer dans l’étrave et le long du bateau. Quel bonheur, quel beau cadeau pour clôturer l’année qui s’achève et célébrer la nouvelle. On ne pouvait rêver mieux.





 tous en ligne :

     VIDEO : cliquer ci-dessous




Mercredi 1er janvier 2014

Le soleil se lève dans une brume de poussière apportée d’Afrique par l’harmattan, un vent soit-disant sec et chaud. La visibilité est mauvaise.




Comme la veille, le ciel est laiteux, la mer est grise, avec des reflets argentés, presque métalliques.


Il fait très humide depuis deux jours, les nuits sont froides, le voilier et les voiles sont salés et sablés, tout est orangé.



Le pont est gluant et poisseux. Comment va-t-on nettoyer tout ça, puisqu’il n’ya pas d’eau au Cap Vert ?

13h15 : latitude 19° 0’ 0’’. Il reste 150 milles à parcourir.

Repas du jour de l’an dans le cockpit, du foie gras et une glace achetée pour noel, mais que l’on n’avait pas encore mangé. Vive le mini compartiment congélateur du frigo.





Les enfants se régalent, moi je rêve toujours de mangues et de cocos.



22h, il nous reste 100 milles. Le vent souffle à un peu moins de 20 nœuds. On lâche le second ris, on range la trinquette et on remet le génois légèrement enroulé pour qu’il ne se déchire pas plus.

On met le maximum de toile pour arriver le lendemain soir avant la nuit, sinon on sera obligés de faire des ronds dans l’eau en attendant le lever du jour du vendredi.



Jeudi 2 janvier

2 poissons volants pendant la nuit ont atterri dans le bateau. Un dans le cockpit qui me tape le genou, je me suis demandé ce qui m’arrivait, et me voilà bataillant pour le rejeter à l’eau avant qu’il ne meurt. Le second sur le pont, on l’a découvert le lendemain matin.


6h du matin : le génois est déroulé entièrement et tangonné pour ne pas être déventé par la Grand Voile qui a retrouvé toute sa surface.

Ca y’est enfin, il fait chaud, la brume a disparu. Les enfants ont sorti les tenues d’été.

Il nous reste 63 milles à parcourir, on fonce au maximum, la vie à bord est un peu acrobatique, puisqu’on est ‘trop’ toilé. Mais avec toutes cette toile, on gîte sur tribord, ce qui finalement est plus confortable que ce roulis infernal.

14h on approche de l'archipel du Cap Vert.



15h, ça y’est on distingue un pic au loin.                

C’est une des montagnes de l’île de Sal. On est à 12 milles de la pointe nord de l’île.




Guy hisse le pavillon

Le décor nous donne la même impression que lors de notre arrivée sur Graciosa, d'être sur une autre planète, volcans, pics, terre marron et aride, pas de verdure.




16h30 : on est en vue de la baie de Palmeira.                

Arrivée au mouillage vers 17 heures locales, TU – 1h.

L’île de Sal fait partie des 3 seules îles où l’on peut se présenter aux services des douanes.

En tant que plaisanciers étrangers, on est obligés de faire notre entrée du territoire (non européen) sur Sal, ou bien Sao Vicente plus à l’ouest, et de faire notre sortie sur Sao Vicente ou Santiago, avant de continuer soit vers l’Afrique et le Sénégal, soit partir pour la transat.

On jette l’ancre juste derrière un voilier connu, le St Marc IV de Morgan et Alicia qui sont arrivés ici il y’a 9 jours, on ne pensait donc pas les trouver encore là.

voir la page Rencontres



Mais eux ont eu moins de chance que nous avec une traversée éprouvante depuis Grande Canarie, du vent dans le nez au début, une vilaine houle, 35 nœuds en permanence, et un pilote automatique qui n’a pas pu tenir l’allure. Cette escale leur a permis de se reposer, et nous on est ravis de les retrouver.

Ils avaient prévus d’aller à Sao Vicente mais le cap n’était pas tenable, quant à nous on a changé nos plans quelques jours avant le départ, alors finalement on se retrouve sur Sal.

Le décor n’est pas très chouette, digue pour les gros bateaux, cuves de pétrole, mais c’est très dépaysant, et pas de doute, on est en Afrique, la seconde partie du voyage commence, l’Europe est loin derrière nous.

Ouf, on est contents d’être là.

Demain avant la découverte du village et de l’île, ce sont les paperasses administratives qui nous attendent à la police portuaire et aux douanes.





Bilan de la traversée :

Nombre de milles parcourus : 780

Premier jour (24h) : 90 milles, manque de vent

Jours suivants : 140 milles, puis 130 milles, 130 milles, 140 milles, 135 milles,

et 40 milles pour les dernières 6 heures.



Le génois est déchiré à la base, couture le long du rail, sur une trentaine de cm. Ca a du se faire au début de la traversée puisqu’ensuite on a navigué uniquement sous trinquette, peut-être le soir où il s’est enroulé en torchon.

On aura croisé un seul gros bateau (un tanker) la seconde nuit, sinon à part les dauphins, les poissons volants, et le souffle d’une baleine, personne !

Pas de pêcheurs non plus, on était à plus de 80 milles des côtes africaines.

On a consommé et utilisé environ 300 litres d’eau sur les 350 que contient le réservoir, en 6 jours et demi. Pas question de prendre une douche, ni de faire une lessive, trop de vent, trop de vagues, trop froid.

L’allure, en permanence en vent arrière, ou ¾ (grand largue), souvent entre 20 et 30° du vent. Pas facile de garder le cap, avec les vagues et la houle forte, en voiles croisées, la bôme a tendance à vouloir passer de l’autre côté, et malgré la retenue de bôme, ça tape et ça claque. Et lorsque les voiles sont du même côté, la grand-voile dévente la voile d’avant. C’est une allure peu confortable dans une mer formée, le voilier n’est pas appuyé sur un bord et il roule au rythme de la houle. C’est (pour nous) plus agaçant que la gîte ou au moins on peut caler les objets d’un côté. Là lorsque même la bouilloire ou la cocote ne veulent pas rester sur la cuisinière, il devient vraiment compliqué de faire à manger, sans parler des liquides, des verres qui ne tiennent pas en place, il faut avoir 4 bras, pour tenir les objets, ouvrir le frigo, et soi-même ! C’est évidemment une allure qui augmente le mal de mer des sensibles, puisque le voilier se balade d’un bord sur l’autre dans un espèce de flottement plus ou moins agressif. Et enfin, aucune protection contre le vent dans le cockpit, ce qui explique que l’on ai eu si froid pendant les quarts de nuit.

En vent arrière, la vitesse du vent s’annule avec celle du voilier lorsqu’il souffle peu fort, mais à 20 nœuds, on le sent bien ! Et ici, même sous les tropiques, le vent du nord est frais.

Le vent, à part le premier jour, a soufflé entre 15 et 25 nœuds (force 4-5) pendant toute la traversée, secteur nord et nord-est. Des creux de 2 à 3 m, quelques déferlantes, une mer désordonnée durant les heures où ça soufflait le plus, mais rien de comparable avec les frayeurs que l’on s’est faites entre Gibraltar et les Canaries.

Le radar tout neuf fonctionne bien, programmation radar actif pendant 2 minutes, puis 10 minutes de veille, en transat on augmentera la période de veille. Seul bémol, mais on le savait, le modèle étant couplé sur le GPS traceur, il nécessite que ce dernier soit en permanence allumé aussi.

Pas de problème d’énergie, l’éolienne a chargé les batteries avec ce vent fort.

Encore une fois un grand merci à notre ami Auto (le pilote) qui n’a pas flanché, heureusement car tenir la barre dans une mer formée, en vent ¾ arrière, ce n’est pas facile, sans parler de la fatigue et du temps que l’on doit consacrer aux enfants, à la préparation des repas,… alors vive Auto !

Les repas. J’avais prévu des menus pour 7 jours, midi et soir en fonction des denrées périssables. Ca nous servira également pour la transat, suffit de multiplier les menus de la semaine par 3. Ce n’était pas trop pour l’avitaillement qui était déjà effectué, mais plus pour éviter de se demander à midi, tiens que pourrait-on manger ? Je n’aime pas particulièrement me retrouver dans la cuisine, ce n’est pas nouveau, mais pas question pour Guy de me remplacer car il est malade au bout de quelques minutes passées à l’intérieur. Desesperate boatwife…  qui seule se contenterait de yaourts, de pommes, et de biscuits. Les menus furent assez bien respectés, sauf la cuisson des lentilles repoussée à 2 jours ultérieurs, pendant une accalmie de quelques heures, c’était plus raisonnable.

On n’aura pas pu faire de pâtisserie, ni jouer comme on aurait voulu, l’allure fut trop inconfortable. Mais où sont donc ces belles traversées que l’on lit sur les forums, et les blogs des autres, où on voit un équipage serein dans une navigation tranquille, qui fait des gâteaux, de la couture, le tout en petite tenue ? On espère que la transatlantique sera un peu plus cool. On va dire, que pour nous, entre 15 et 20 nœuds c’est confortable, entre 20 et 25 un peu moins, entre 25 et 30 c’est sportif, et au-delà c’est galère et moi j’ai la trouille. Ca dépend évidemment de l’état de la mer.

Les quarts de nuit : en théorie on fait des quarts de 3 heures chacun, mais en réalité c’est un peu différent. Je prends la barre lorsque les enfants sont couchés, vers 21h, quelques réglages de voile et Guy va dormir vers 21h30. En général je tiens le coup sans problème jusqu’à 1h du matin ou un peu plus. Puis Guy prend le relais jusqu’à 5 ou 6h du matin selon la fatigue et la résistance au froid. Je reprends mon poste, j’ai droit à l’aube et aux étoiles qui s’éteignent, puis au lever de soleil, suivi de celui des enfants. Guy roupille jusqu’à 9h. Du coup il dort plus que moi au final, surtout s’il a pris du mercalm contre le mal de mer. Je refais une bonne sieste en fin de matinée avant de préparer le repas, ou dans l’après-midi.



Les nuits furent belles et étoilées, à part les deux dernières un peu brumeuses. Un beau spectacle avec le plancton fluorescent tout autour du bateau, de l‘étrave jusqu’au sillage. L’écume des vagues au loin est toute illuminée, ça clignote de partout, c’est magique. Durant la dernière nuit, un avion est passé au dessus de nous, en route pour le Cap Vert lui aussi, et j’aurai aimé me projeter là-haut,  voir le spectacle du voilier de nuit, tout seul sur l’immensité de l’océan, au milieu de ces lumières blanches, rouge et verte. L’étoile polaire continue sa descente vers l’horizon, vers 20° de latitude, elle devient difficile à voir car en mer l’horizon est toujours brumeux, l’humidité diminue la netteté. La Grande Ourse est à son maximum (45° au-dessus de l’horizon, à l’envers) en fin de nuit.








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