Les Moana's

Les Moana's

mercredi 11 décembre 2013

Bilan - 4 mois de voyage

Bilan - 4 mois de voyage


Second BILAN pour l’équipage du MOANA.

Début décembre 2013, voilà 4 mois que nous sommes partis des Saintes Maries de la mer, alors…



Nombre de milles parcourus

au total : 2190

-des Saintes Maries à Gibraltar : 1460 milles

-de Gibraltar aux Canaries : 590 milles

-Canaries (inter-îles) : 140 milles

Nb : 1 mille marin = 1852 mètres  /  1° en latitude = 60 milles



Santé :

Tout le monde se porte bien.

Pas un rhume, pas une otite, pas de conjonctivite, malgré le vent et les baignades.

Aucune infection suite à piqure ou blessure.

Louna réagit moins aux piqures de moustiques, elle a apprivoisé ceux de Camargue et de méditerranée, restera maintenant à dompter les moustiques des tropiques.

Pas de problème d’eczéma pour les loulous, merci le soleil, l’eau de mer et l’humidité ambiante.

Mon dos me laisse à peu près tranquille, à part le vilain épisode à Minorque, je vais bien.

Guy,  le petit vieux de bord, joue le rôle de baromètre, il ressent en avance les changements météos, douleur dans l’épaule, le poignet, ou le dos…

La pharmacie de bord est toujours aussi pleine qu’au départ, à part quelques anti-douleurs, et cachets contre le mal de mer utilisés, et les incontournables pansements.





Manoa et Louna :

Les enfants sont de plus en plus complices. Ils jouent très bien tous les deux, il y’a évidemment des disputes, mais dans l’ensemble, ça se passe bien, ils vont rarement l’un sans l’autre, et Manoa n’hésite pas à appeler sa petite sœur lorsque quelque chose d’intéressant arrive.

Ils s’occupent seuls la plupart du temps, c’est appréciable lorsqu’on navigue ou qu’on est occupé à une manœuvre délicate. Mais ils préfèrent que l’on joue avec eux, bien-entendu. J’essaie au maximum, mais ce n’est pas évident de trouver le créneau.

Régulièrement, il semble que l’ennui les prend, alors l’éternelle question ‘on peut regarder un dessin animé ?’ revient, soit ils ont été sages et on a suffisamment d’énergie alors c’est ok, mais en général la réponse est négative, alors ils repartent ‘penauds’ et trouvent rapidement des occupations avec leurs jeux, leurs livres, les coloriages, les outils de papa… Le dessin animé magique nous permet à nous de souffler, de les calmer si besoin lorsque par exemple on arrive dans un mouillage ou un port qui demande une manœuvre un peu longue. C’est mieux de ne pas les avoir dans les pattes pendant ces moments là, ça évite hurlements, et crise de nerfs.

Manoa demande souvent de vouloir rentrer à la maison, pour retrouver ses jouets. C’est assez déroutant et pertrubant pour moi, qui suis toujours entrain de me poser des questions, il est trop petit pour comprendre la chance qu’il a d’entreprendre un tel voyage, et donc on lui impose, mais est-ce que ça lui plait ?

Louna, plus petite, a oublié la plupart des jouets qu’elle a dans sa chambre donc ils ne lui manquent pas, et elle nous a même demandé dernièrement si on avait une douche à la maison ???

En tout cas lorsqu’on se baigne, qu’on se balade en annexe, qu’ils jouent sur la plage, qu’on visite les grottes ou autre, là ils ne pensent plus à la maison et ont l’air heureux. En effet les journées chaudes et ensoleillées, avec plage et baignade sont bien plus faciles et appréciables pour tout le monde. Le soir ils sont fatigués et rassasiés, ce qui n’est pas le cas lorsqu’on est coincés au port pour cause de mauvais temps où ils deviennent excités comme des puces et sont intenables. En navigation ils s’ennuient un peu, mais sont vite épuisés de devoir compenser les mouvements du bateau, se tenir pour chaque déplacement, et ne sont pas pénibles, ils s’endorment plus tôt.

Ils se dégourdissent. Ils nagent de mieux en mieux, ils sont très à l’aise sur le voilier, pour descendre et monter dans l’annexe, … sauter sur le ponton. L’eau, la voile et les animaux marins sont leur nouveau monde, et ils s’y adaptent tout naturellement, sans se poser de questions. On devrait faire comme eux et arrêter de se tracasser.

Ils auront évidemment des lacunes en ski alpin et en vélo… J

Ils sont de bons marcheurs, en bateau, on fait beaucoup de choses à pied, alors mieux vaut ne pas être fainéants.

Ils ont tous les deux hâte d’être au pays des Caraîbes, pour manger des cocos, nager au milieu des poissons, des tortues et des coraux (depuis le temps que je leur en parle), mais surtout pour chercher et trouver le trésor des pirates !

En escale, ils sont ravis de trouver des copains sur les autres bateaux, en quelques minutes et sans préjugé à cet âge là ils se mettent à jouer ensemble comme s’ils se connaissaient depuis toujours. Cette attitude nous rassure car ils étaient réservés et trop collés tous les 2 en méditerranée et hésitaient à aller voir un autre enfant sur la plage, desfois même ils les regardaient un peu de travers (si ce sont des allemands c’est normal, on ne comprend rien de ce qu’ils racontent, impossible de savoir si c’est un bonjour ou une insulte…), on avait peur qu’ils ne s’ouvrent pas aux autres, ce qui aurait été dommage puisque c’est aussi un des buts de ce voyage.





Ecole :

Les débuts ont été très très difficiles avec Manoa, à l’opposé de ce que j’avais imaginé, faire l’école ne m’inquiétais pas du tout et je pensais que ça allait être du plaisir, les cahiers d’apprentissage de lecture/écriture et mathématiques de la classe de CP étant ludiques et très bien faits.

La seule chose qui m’inquiétait était de trouver du temps pour faire l’école tous les matins, alors que les journées étaient déjà trop remplies au mois d’août. Finalement l’école s’est installée dans l’emploi du temps, et ça fonctionne assez bien, il ne faut pas avoir les deux pieds dans le même sabot et parvenir à gérer tout, préparation du repas, lessive, Louna,… alors ça dépend des jours et de l’énergie que j’ai.

Mais les difficultés viennent de l’environnement exceptionnel du bateau, de la maitresse pas efficace (moi), et du manque de motivation de l’élève (Manoa). Il n’est pas concentré, pas attentif, il se tortille dans tous les sens, il souffle, il regarde ce que fait sa sœur, chaque mouche qui passe, chaque bruit à l’extérieur est une attraction plus intéressante que les livres…

Du coup l’école reste une épreuve quotidienne, c’est vraiment délicat, on ne s’improvise pas maitresse comme ça, ça se termine souvent en larmes, en ras le bol, je perds patience et toute le monde en a marre. Le nombre de fois où la matinée se déroule bien se compte sur les doigts de la main malheureusement. Ca me plombe la journée et ça m’inquiète.

J’ai l’impression de râbacher les mêmes choses depuis septembre et qu’il ne progresse pas.

En maths, ça va à peu près, bien qu’on attaque en ce moment les dizaines, c’est une grosse étape difficile à digérer.

L’écriture était catastrophique au début, comparée à ce qu’ils faisaient dans ses cahiers de fin d’année de maternelle, mais au bout de quelques semaines, il est de nouveau appliqué et prend plaisir à écrire. Mais il reste encore des lettres en minuscules qu’il ne connait pas ou qu’il dessine à l’envers. Il confond encore les ‘b’ et les ‘d’.

La lecture, c’est assez décourageant pour moi, il reconnait les syllabes simples (une consonne et une voyelle), mais pour les autres non, ce qui parait évident pour nous ne l’est pas du tout pour lui, c’est usant. Il adore les livres depuis toujours mais n’a pas encore envie de lire tout seul, bizarre et dommage. C’est pourtant un monde qui s’offrira à lui lorsqu’il saura lire, les livres d’histoire, les BD et tout ce qui nous entoure, sur les produits que l’on mange, les pancartes, les plans…

Je lui fais écrire quelques phrases sur ce qu’on a fait ou visité, et ensuite il illustre. Ca lui crée en même temps son livre de bord, et ça lui permet de se rappeler ce qu’il a vu et aimé au cours du voyage.

On fait beaucoup de jeux éducatifs, qui lui apprennent les mots, les chiffres, le calcul, tout en s’amusant. C’est plus agréable pour lui et pour moi. On fait des mots fléchés, des pendus, des mots cachés, ou joue au rummykub, aux cartes, on utilise des jetons pour compter et apprendre les dizaines.

On a l’ardoise magique pour l’écriture, la lecture des sons, les modèles, les additions…, car en voilier il nous est impossible de stocker tout ce qu’on fait sur papier ou cahier.

J’utilise plusieurs sources différentes, différents supports, différents livres, ce qui permet de varier l’apprentissage.

Je plastifie quelques feuilles, qui deviennent des fiches de références. Comme par exemple pour les jours de la semaine, les nombres, les mots courants, en français espagnol et anglais avec le drapeau de chaque pays.

Je manque de livre techniques (type encyclopédie), et l’accès à internet étant limité, ce n’est pas évident de trouver des réponses un peu détaillées à certaines questions qu’il pose, ou en rapport avec ce qu’on voit au quotidien.



Louna est une élève plus motivée, elle a envie de faire l’école. C’est normal c’est nouveau pour elle.

Mais je commence tout juste à m’occuper d’elle, quand Manoa sera plus autonome, ce sera plus facile de la faire travailler. De toute façon, pour l’instant elle a une attention limitée, pas plus de 15-20 minutes, ensuite il faut qu’elle passe à autre chose.

Elle connait les lettres de son prénom et les retrouve dans l’alphabet, elle les met dans le bon ordre. Elle reconnait sans erreur son prénom caché parmi des mots qui ressemblent.

Côté écriture, elle commence tout juste à tracer les lettres en majuscules mais ce n’est pas encore acquis.

Elle sait compter et dénombrer jusqu’à 14 (et quelquefois un peu plus si elle est concentrée), et surtout elle enregistre tout ce qu’on fait avec Manoa, certains mécanismes se mettront probablement plus vite en place pour elle.





Le rythme de l’école

Alors là, on avait dit tous les matins sauf le dimanche, ça n’aura duré que le temps de cabotage aux îles Baléares, depuis c’est beaucoup plus irrégulier.

C’est impossible de faire l’école quotidiennement, la navigation me demande de l’attention (et du repos).

Lorsqu’on est au port pour une ou deux nuits, il y’a énormément de choses à faire, à commencer par les manœuvres d’amarrage et les paperasses à la capitainerie, l’avitaillement, le nettoyage, lessive à la machine, on profite de l’eau et l’électricité, Guy bricole et répare, et moi je dois gérer les enfants et les emmener avec moi, bref, c’est toujours la galère. Sans compter les gens qu’on rencontre, les gens qui passent sur les pontons, les discussions, les questions,… Ce sont les journées que je déteste le plus car on ne prend le temps de rien, on court partout.

En navigation, c’est plus facile de faire l’école. Sauf pendant du force 5 ou plus. Sauf si on est au moteur, le bruit à l’intérieur est insupportable, il n’entend pas ce que je lui dis, je n’entends pas ce qu’il me dit, et au bout de 20 minutes on devient fous tous les deux. Et sauf si Manoa a le mal de mer, cela dépend de l’allure du voilier par rapport au vent, soit il est carrément malade et ne peut pas du tout rester dedans, soit il a mal à la tête et a besoin de faire des pauses plus souvent pour s’aérer.

Au mouillage, ouf, c’est l’idéal, surtout si on reste au même mouillage plusieurs jours, pas de manœuvres avec le bateau, on prend le temps de vivre, et on a du coup du temps pour faire l’école sans être dérangé, et tout naturellement ça se passe mieux et il apprend bien.

Bref, le voyage en voilier n’est jamais synonyme d’exactitude ou de précision, de planning tenu ou d’horaires… alors pour l’école c’est délicat. Du coup il nous arrive souvent de faire l’école le dimanche matin, car le samedi elle est passée à la trappe pour une raison ou aune autre, ou parce que l’on sait déjà que le lundi sera bien rempli.





Budget :

Dépenses par thème, en moyenne mensuelle

-alimentaire : 510 €

pas d’extra sauf un peu de vin et quelques cafés dans les bars wifi, pas de restaurant

-droguerie : 24 €

-ports/bouées : 325€

on avait budgété 100 euros par mois (environ 4 nuits au port soit 1 par semaine), ce poste de dépense a explosé, en raison des soucis mécaniques et du mauvais temps

-téléphone mobile / liaison internet (hors Iridium) : 42€

le cauchemard du vagabond des mers, la communication ! Dire qu’on a jamais eu d’abonnement de téléphone à terre, il aura fallu attendre de quitter la société de consommation pour goûter à cette merveilleuse arnaque… d’autant que les cartes prépayées nous sont utiles non pas pour téléphoner, mais pour avoir la liaison internet (blog, météo), efficacité non assurée, vidage du compte bancaire certain !

-gasoil / essence / gaz : 108€

-réparation / matériel accastillage : 855€

la moyenne est élevée à cause des réparations du moteur à Mallorque, en tant normal (mais quelle est la normalité sur un voilier ?), on va dire quand il n’y a pas de grosses pannes, on dépense environ 100€ en petit matériel. Comme le dit très bien Antoine, l’état normal d’un voilier c’est d’avoir une panne, l’état anormal est que tout marche (en effet on vous le confirme ça ne dure pas). Et lorsque quelque chose est cassée ou en mauvais état, il ne vaut mieux pas trop tarder à réparer, car ça prend vite de l’ampleur sur un bateau.

-souvenirs / cartes postales / jeux / livres / tourisme : 55€

premier gros extra à Lanzarote avec la location de voiture et les entrées de parcs



Total mensuel moyen = 1919€

Oups… on pensait ne pas dépenser plus de 1000€ par mois, d’autant qu’on a toujours les taxes de la maison, et les impôts sur les revenus (pendant une année), et dans cette liste n’apparait pas l’assurance santé, et l’assurance du voilier.

Tous les voyageurs qu’on a rencontrés sont comme nous, après 4 ou 5 mois, ils ont déjà largement explosé le budget, que le voilier fasse 6m, ou 12 ou 16 ! c’est pareil. Voilà qui est rassurant, ou inquiétant ?

Voir le détail dans le fichier excel : dépenses-voyage-4mois





Rythme :

Le temps nous manque, et oui… à terre ou en voilier les journées ne font que 24h (c’est dingue ça), quelque fois un tout petit peu plus lorsqu’on fait route vers l’ouest, mais ça ne compte pas car on n’avance pas à la vitesse d’un avion. Et ces 24 heures sont prises comme à la maison, par le sommeil, par les lessives, le rangement, la préparation des repas, à ceci près que toutes ces tâches rébarbatives prennent bien plus de temps qu’à la maison.

Ajouter à cela plusieurs fois par semaine, les courses, la navigation, la préparation de la navigation, les paperasses, le blog, … les réparations et entretiens plus ou moins croustillants du bateau, et il reste rarement du temps pour s’amuser, lire ou ne RIEN faire, ah que l’on aimerait ne RIEN faire. On trime, comme au boulot, sauf qu’on a pas de revenus, et que le quotidien est bien moins confortable que chez soi sur le canapé, beaucoup plus stressant (car nous sommes dans un monde inconnu tous les jours, et le patron ici c’est la MER et qu’elle ne fait pas de cadeau).

Eric Tabarly disait, le voilier est le moyen le plus inconfortable, le plus lent et le plus cher pour aller d’un endroit où l’on est bien vers un lieu où l’on a rien à faire. Oui il avait fichtrement raison.

Et les terriens qui nous disent ‘mais vous ne vous ennuyez pas sur un bateau ?’

Ou bien, ‘ah maintenant que vous ne travaillez plus, vous avez du temps pour ceci ou cela…’

C’est ce que l’on croyait aussi, mais la réalité est toute autre.

En fait on manque vraiment de temps. Les jours de vacances sont rares, il ne faut pas se voiler la face, on a moins de repos et de temps libre que dans un rythme classique de salarié avec des vraies soirées et des vraies week-ends.

Le rythme est différent et difficilement comparable avec la vie à terre, en voilier c’est un peu tout ou rien, alternance de journées de navigation, de période de ‘repos’ et de période de grande agitation. Les contraintes ne sont pas les mêmes, notamment les contraintes horaires qui me paniquaient à terre entre les horaires d’école et de travail à faire coïncider tel un casse-tête chinois, elles n’existent presque plus ici, ouf. Pas de réveil-matin pour se lever, on se lève avec le jour, on vie au rythme du soleil. On se couchait tard en août, un peu moins en septembre et encore plus tôt maintenant puisque le soleil est couché à 18h.

Personnellement j’adore naviguer, ne rien avoir devant l’étrave, ce sont les seuls moments où je me sens apaisée et bien (sauf par force 7), j’aime rester sur le pont et me dire qu’on est un tout petit point sur l’eau, qu’on ne laisse pas de trace et que ce petit morceau de coque avec ses grandes voiles va nous amener vers une destination choisie. Mais avec les enfants qui demandent de l’attention, qui ne peuvent pas ‘pomper’ les toilettes seuls, ni ouvrir le frigo en nav pour prendre de l’eau fraiche,… je ne profite pas assez à mon goût de la navigation. C’est pour cette raison que j’aime naviguer la nuit, au moins pendant qu’ils dorment je suis tranquille et seule avec le voilier pendant 3 ou 4h d’affilées, et j’ai le temps d’admirer les étoiles, le plancton fluorescent, et même lire un peu avec la frontale entre 2 tours d’horizons pendant que notre ami AUTO travaille, et surtout de penser, de réfléchir, de m’évader.

Mais le voilier en navigation ce n’est pas toujours aussi idyllique, selon les allures ça peut même devenir très inconfortable, tout bouge, tout tombe, tout tape, tout grince, il ne faut surtout pas oublier de bloquer le frigo, les placards et les tiroirs, et ne pas laisser sans protection ce qui risque de casser. On a beau l’avoir lu et relu, le savoir avant le départ est une chose, le vivre au quotidien en est une autre. Tout devient alors plus compliqué et plus long qu’à la maison, notamment la préparation des repas qui se transforme en acrobatie. Lorsque même la bouilloire ne tient pas sur la cuisinière, on mange froid… et simple. Il faut qu’on investisse dans un thermos, de façon à avoir du café ou du thé chaud au moins pendant les quarts en navigation. Il arrive malheureusement fréquemment la même chose au mouillage lorsqu’on est parallèle à une forte houle, le roulis devient insupportable.

On passe beaucoup de temps à préparer les navigations, à prendre la météo, faire la route, étudier les cartes et voir où l’on peut mettre l’ancre, trouver un abri sûr en cas de mauvais temps, étudier les instructions nautiques. C’est un travail de longue haleine qu’il faut sans cesse recommencer, et adapter en fonction des prévisions météo toujours changeantes. Il y’a quelques semaines, on disait vivement l’atlantique pour un vent établi, et maintenant on dit vivement les tropiques… pour les alizés.





L’Atlantique :

L’Atlantique tant attendu ne nous a pas apporté ce qu’on attendait, côté vent ! zut alors.

Le vent n’est pas du tout établi, on alterne depuis un mois entre les grosses dépressions et le came plat. En discutant, lisant ou analysant les pilots charts, il ne faut pas être sorcier pour comprendre que les conditions sont exceptionnelles cette année, même si ne l’oublions pas rien n’est jamais sûr à 100% en mer.

En tout cas, que tout ceux quoi nous avaient promis du bon vent régulier en atlantique, nous envoi un chèque, ça renflouera la caisse de bord…

Un arrière goût de méditerranée : il semble que le dieu Eole de la grande bleue nous ait suivi jusque dans l’océan, tantôt il coupe son souffle totalement, tantôt il se met très en colère et hurle depuis des directions non attendues.

Difficile de dire si nous sommes trop tôt ou trop tard aux Canaries, en ce moment ce n’est pas bon, point. C’est balot comme dit Guy. Alternance de pétole et de grosses dépressions, l’un comme l’autre est compliqué à gérer sur un voilier. Ajouter à cela un ciel gris, quelques gouttes de pluie, et une température fraiche (pour nous méditerranéens).

Les îles Canaries sont à cette période dans une zone de vents variables (plus que d’habitude cette année) et les alizés de nord-est ne sont jamais bien établis avant mi décembre. Ce qui est inhabituel ce sont ces gros coups de vent du sud, empêchant les mouillages comme les navigations, et évidemment les départs pour la transat, le tout usant le moral des plaisanciers, et trouant la caisse de bord.

Nous vivons des changements climatiques importants, et en mer plus qu’ailleurs on les ressent, l’exceptionnel est peut-être entrain de devenir la normalité. A suivre…

Ce qui est certain et immuable, c’est que le tropique du cancer est encore à 6° plus au sud, patience… il ne devrait pas neiger là-bas dans les prochaines décennies, ouf.





Les problèmes mécaniques :

Ils sont trop nombreux pour être tous listés, j’en ai mal à la tête d’avance.

Mais les plus gros pépins (les plus handicapants et les plus chers) sont dans l’ordre chronologique depuis notre départ :

-le guindeau

N’ayant pas de guindeau manuel à bord pour palier aux pannes du guindeau électrique, les mouillages à la main sont sportifs, fatigants pour Guy et vite impossibles.

-le moteur

On a beau être sur un voilier, il est indispensable de nos jours d’avoir un moteur fiable.

-les chariots de grand voile

Sans grandvoile, euh… comment dire. Elle est le ‘moteur’ numéro 1 du bateau. Alors c’est mieux lorsqu’on peut la monter, et la descendre !

-le tacktick

Il nous donne la direction et la force du vent, très utile. Il joue le fainéant en ce moment, toujours surprenant, il fonctionne lorsqu’on est au port, et pas lorsqu’on navigue, ggggrrr on y comprend rien

-le radar

Il nous a laché au début de notre traversée vers les Canaries. Beaucoup de voiliers n’en ont pas car le radar consomme trop d’énergie, et beaucoup d’équipages ne jurent plus que par l’AIS. Nous l’énergie ce n’est pas un problème. Quant à l’AIS c’est un confort supplémentaire que l’on apprécie aussi, mais l’AIS ne verra pas les casiers de pêches, ni les baleines, ni les rideaux d’eau la nuit, et surtout surtout ils ne voient pas les autres embarcations qui ne sont pas équipés d’AIS. L’AIS est obligatoire à partir d’un certain tonnage. Tous les porte conteneurs / tankers / ferries / bateaux de croisière en ont un, pas les petits navires. Mais, il nous ait arrivé de croiser une navette rapide à passagers entre deux îles sans émetteur AIS (ou éteint ce qui donne le même résultat), sans parler des pétroliers qui dégazent, ou des bateaux qui transportent des matières illégales, ou naviguent dans des zones interdites, et qui pour ne pas se faire repérer éteignent leur émetteur. Nous n’avons pas confiance dans les autres embarcations, question de principe, priorité ou pas, on ne fait pas le poids, alors à nous de veiller et d’être vigilent, le radar nous permet de somnoler. Et puis il reste le problème le plus fréquent et le plus dangereux : les pêcheurs, sans AIS, sans feu de navigation, ou sans lumière du tout !



Tous les autres bateaux copains sont comme nous, ils enchainent petits problèmes ou grosse casse et réparations, et ils sont dégoutés… car la liste s’allonge, les factures aussi, et le temps file. C’est démoralisant, surtout après des années de préparation avant le voyage.

On ne connaît que deux voiliers sans gros incidents, mais ils doivent être l’exception qui confirme la règle.





Le Planning du voyage :

En voilier, plus qu’ailleurs, un planning prévisionnel n’est pas tenable. Alors on change nos projets, on en refait d’autres, autre destination, autre période, puis on les change à nouveau, ou on les retarde, ou on les enlève de la liste.

C’est un peu usant, en voilier, rien n’est acquis, on ne fait pas la loi, c’est la mer et le vent qui décident pour nous, et les problèmes mécaniques qui s’emmêlent histoire de compliquer l’équation. Le trajet du point A vers le point B est semé de virages, il n’est jamais direct ni rapide, et quelquefois on n’atteint pas le point B, mais le point C.

Il faudrait lâcher prise, et ne plus faire de planning. Pour moi évidemment c’est quelque chose d’inenvisageable. Ensuite ça peut devenir dangereux, car il y’a des endroits sur la planète où il ne fait pas bon être à certaines périodes de l’année. De plus, il y’a ce gros risque qui plane sur chaque vagabond des mers, de prendre racine, de rester sur une île et de ne jamais en repartir, cela arrive encore. Et enfin, oui on aimerait se laisser vivre, mais pour nous le voyage a une durée limitée (question de budget et de choix personnel), alors du coup les écarts sont limités et le temps pour ne RIEN faire aussi. Il aurait fallu ‘tout larguer’ pour prendre plus de temps à chaque étape, mais ce n’était pas notre choix, alors il faut assumer, coûte que coûte.

A chaque fois que l’on résout un problème, un autre arrive au bout de l’horizon, et on en finit pas, un peu comme les dépressions que l’anticyclone des Açores laisse passer. Le moral est en dent de scie, rien n’est stable, ni nos têtes, ni le voilier, ni la météo. La météo est et doit être notre seule loi, le reste doit s’y plier et passer au second plan. Si un coin est sympa, on ne peut pas toujours y rester à cause du mauvais temps.

Là encore, les autres vagabonds des mers sont comme nous, impossible de tenir le planning, c’est infernal… on est tous hors prévision, pire que dans le BTP…





Conclusion :

On pensait avoir le temps, le temps de vivre, de s’occuper des enfants, en fait on ne peut pas vraiment, on court beaucoup, même si le rythme est plus lent qu’à terre, heureusement. On est un peu déçus par le quotidien, on ne s’attendait pas à ça en larguant les amarres.

Alors quoi ? il est où le bonheur d’être parti, de naviguer, de vivre loin du monde et de se sentir libre ?

Heureusement, en navigation, la magie opère, elle efface tous les soucis et le bonheur d’être en mer l’emporte sur le reste, le nez au vent, seul au monde, il semble que rien ne peut nous arriver et que tout est beau.

Les belles journées au mouillage, moins nombreuses que ce que l’on avait imaginé, restent inoubliables et riches en découverte du monde, et sont de merveilleux moments que l’on passe tous les quatre en famille, sans contrainte extérieure.



Je citerai quelques phrases d’une personne qui nous est chère, qui se reconnaîtra, et qui vit la même chose, pourtant son Aventure à elle est tout autre, sur la terre ferme et à mille miles du voyage en voilier.

- il ne suffit pas de partir, il faut tenir sur la longueur,

- on n'a beau essayer de tout prévoir, ça ne marche pas comme on l'avait prévu,

- on anticipe au maximum... et il faut improviser en permanence

- il y a des moments de repos, et d'autres de galères,

- parfois on est fier de soi et, à d'autres moments complètement découragés,

- les autres ne comprennent pas ce que l'on vit, ils ne sont jamais passés par là,

- parfois la routine, parfois de belles découvertes

- on rencontre des cons et des personnes extraordinaires

- on croit y arriver... et une nouvelle galère,

- on fait ce que l'on peut et parfois ça suffit à peine mais au final, on avance, et on apprend beaucoup sur soi...

c'est ce que l'on appelle l'Aventure !



C’est l’Aventure du Voyage, qui n’a rien de commun avec les Vacances. Il aurait été plus reposant de rester à la maison, le quotidien chez nous est moins difficile mais moins riche et moins surprenant. Les coups durs y sont moins durs, les contraintes moindres, mais les moments de bonheur sont bien moins forts. Ce qui est sûr c’est qu’à la maison rien ne peut nous arriver, et c’est bien le problème, rien ne nous arrive, la routine s’installe, les jours passent et on vieillit… le beau et l’extraordinaire ne peut pas nous tomber dessus bien au chaud à l’abri sous notre toit, et derrière nos fenêtres, isolés des autres. Il faut aller le chercher, prendre des risques (plus ou moins calculés et mesurés selon notre âme d’aventurier) pour trouver l’extraordinaire, faire de belles rencontres et recevoir ce que ce grand Voyage nous apporte. Ce Voyage nous apprend la patience, l’adaptation et l’humilité face à la mer et la nature qui est reine et que personne ne pourra jamais dompter.

Le prix à payer au sens propre et figuré pour les petits moments de BONHEUR est assez élevé, c’est un peu trop tôt pour dire si ça vaut le coup ou pas. En tout cas, on continue l’Aventure, on ne va pas rentrer maintenant en plein mois de décembre, il fait trop froid chez nous… J et surtout on est têtus, et sans entêtement on n’arrive à rien, et on espère toujours que ça va s’améliorer, qu’il y’aura moins de pannes et moins de tempêtes et davantage de bons moments. Si on ne réalise pas notre rêve maintenant, on ne le fera pas plus tard, alors hop à nous les océans !

En gardant bien en tête que l’on fait partie du monde des voyageurs en bateau :

A chaque instant il y’a des bateaux qui naviguent sur les océans, et sur ces bateaux des gens un peu à l’écart du bruit du monde. Ils incarnent la lenteur, paisible, qui a disparu de nos vies. Lenteur de parcourir le monde à la vitesse d’une tortue, de vivre calmement, en écoutant le bruit du vent qui les pousse vers demain.

Notre leitmotiv est toujours le même, il est important pour nous de ne pas l’oublier en s’égarant dans les tourments et les inquiétudes du quotidien, et en râlant parce qu’on avance pas assez vite :

L’important c’est d’être en route…

Merci Bernard Moitessier



A bientôt

Les MOANA en route… pour demain


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