Les Moana's

Les Moana's

mardi 21 janvier 2014

Transatlantique



Mardi 21 janvier

Après avoir effectué les formalités de sortie du Cap Vert, on quitte l’île de Santiago avec nos amis d’Ariane et de Cyrano. Il est environ 15 heures.


Cyrano :




vue sur Praïa :



Ariane : 



Il fait beau, mais le vent souffle à 22 nœuds, on prend déjà 2 ris dans la GVoile. On va encore surfer… d’autant que pour les prochains jours et notamment en fin de semaine, la météo annonce du 25-30 nœuds, avec une houle de 4 mètres.

On verra bien…

Nous voilà partis pour la seconde grande étape du voyage, la traversée de l’océan Atlantique, petit pincement au cœur, étrange de se dire qu’on a environ 2200 milles devant l’étrave et qu’on est en route pour presque trois semaines sans escale. Heureusement le voilier connaît le chemin...

De l’autre côté, nous attendent les îles Caraïbes, ou petites Antilles, mais je préfère ‘Caraïbes’ (ou Caaribes comme disent les enfants), en mémoire des indiens Caraïbes (originaires de l’Orénoque en Amazonie), que nos ancêtres ont massacrés… Et puis on ne dit pas les pirates des Antilles, ça sonne moins bien !

Ariane et Cyrano mettent le cap sur La Barbade, nous sur la Martinique pour retrouver nos amis savoyards de longue date, ainsi que les copains rencontrés aux Canaries. Direction plein ouest, 270°, sauf pour le premier jour car il nous faut passer au sud des deux dernières îles du cap Vert, Fogo et Brava. Et on va se faire malmener à cause d’elle durant 24 heures. Début de transat difficile, l’influence des îles est importante, plus que prévue. Avant et après la pointe des îles, le vent est contraire ou de travers, et change de direction sans demander la permission. Sous le vent des îles, en plein ‘milieu’ des côtes, le vent est nul, nous obligeant par deux fois à faire un peu de moteur pour se sortir de cette pagaille au plus vite, idem pour nos amis de Cyrano. Au niveau de la pointe des îles, le vent subit une accélération, et nous voilà avec 40 nœuds dans les voiles… Ca bouge, ça mouille et ça souffle. On avait pourtant pris soin de passer à 8 milles au sud de Fogo et presque 15 milles au sud de Brava.  Fogo est montagneuse et son influence est du coup importante. Fogo signifie ‘feu’, son volcan est entré en éruption en 1996, autant dire hier à l’échelle géologique.




Fogo :



Brava :



Le mercredi 22 janvier au matin, Ariane qui a fait route un peu plus au sud n’est plus visible, et hors de portée VHF, quant à Cyrano on perdra le contact dans l’après-midi. On s’enverra quelques messages par téléphone satellite, pour donner nos positions respectives. Ils ne sont pas très loin de nous, mais autour du voilier, ce n’est que l’immensité de l’océan à perte de vue. 

Le mercredi soir enfin, on sort définitivement de l’influence des îles du Cap Vert, adieu joli archipel, on ne verra plus de terre pendant un long moment…

Le vent est fort et stable, secteur Nord-est, on gîte sur babord, chouette, pas de roulis, enfin les affaires sont calées, et du bon côté, celui de la cuisine et du frigo, facile de préparer les repas dans ces conditions.

Mais ça ne durera pas, la mer est de plus en plus agitée et le vent tourne tout doucement à l’Est. On se retrouve en vent arrière, avec ce roulis diabolique et la bôme qui tape malgré la retenue. On tenterai bien d’affaler la GVoile et de filer avec seulement les deux voiles d’avant en ciseau, mais descendre une voile dont les coulisseaux ne coulissent pas bien, en vent arrière, c’est difficile. Trop de vagues pour se mettre face au vent.

Quelques déferlantes, dès qu’on est sec dans le cockpit, paf une suivante qui vient tout sâler. On a froid, vivement que le vent se réchauffe et que le soleil nous cuise la journée. Pour l’instant on glâne tous les rayons possibles.












La journée du dimanche 26 sera la plus agîtée, vent à plus de 30 nœuds, houle jusqu’à 4m.





Mardi 28 janvier

Changement brutal et bienvenu. La mer est plus calme, le vent a faiblit, le soleil est bien présent, ça y’est il fait chaud, youpi ! On peut faire la lessive, prendre une douche sur le pont, se dorer au soleil, le voilier est plus stable et permet de s’occuper, de bricoler, de jouer… bref, une croisière sous les alizés comme on en a rêvé, enfin !

On est en petite tenue la journée, on peut ouvrir les hublots pour aérer, température 27° dans le bateau et on commence à sentir l’humidité des tropiques. Finie la polaire sous la veste de quart la nuit, on peut même rester en short, le cockpit est sec.

On aura droit à plusieurs belles journées de navigation cool, du repos, de la quiétude, un sentiment de plénitude, le bonheur quoi… Pas de voiles à régler, pas de bruit à part celui du vent et de l’eau sur la coque, une houle d’à peine deux mètres et très longue, on ne l’a ressent pas. Bon sang on l’avait attendu cette allure, on apprécie chaque moment.

On se sent seul au monde…  moi qui ai peur de la foule, je suis à l’aise ici, il y’a de la place. L’océan nous parait immense et infini. Vous êtes-sûrs qu’il y’a une île au bout de l’étrave ? Pourquoi n’a-t-on pas appelé notre belle planète la Mer ?

C’est assez enivrant quand on y songe. Pour deux raisons. 

D’abord on est bien, alors pourquoi s’embêter à atterrir sur une île ? Ah oui pour les poissons multicolores, le sable blanc, les coraux et l’eau turquoise. Oui mais alors il faudrait une île déserte… encore ce syndrome du tourdumondiste qui sévit. Bon, les Antilles, côté île déserte, c’est raté, on sait qu’il va y’avoir beaucoup de monde partout.

Ensuite, on vit sur notre voilier, totalement coupé du monde, peut-être qu’une nouvelle guerre a éclaté quelque part, peut-être qu’une nouvelle catastrophe naturelle fait rage, surement même, mais on n’en sait rien. Le monde aurait tout simplement disparu qu’on en continuerait pas moins d’avancer.

On a envie d’arriver, on décompte les milles restants et en même temps on aimerait que cette croisière ne finisse jamais, sentiment étrange.

La nuit, on sent le voilier poussé par le vent, avec des accélérations et des petits surfs sur la crête des vagues, c’est grisant, on a l’impression de ‘voler’.

Pour autant, il y’a eu quelques galères, des petits coups de fatigue, et des heures passées à régler les voiles sans succès car entre 20° et 30° du vent arrière, c’est le bazar, surtout sans tangon, bref toutes ces petites choses qui font qu’on sera forcément contents de pouvoir jeter l’ancre !









Mercredi 29 janvier

Vers  15h, on est à mi-parcours. Pile 8 jours après notre départ. Si la vitesse se maintient, on mettra 16 jours pour traverser.

1090 milles sur les 2180 total.

Dingue de se dire qu’on est en plein milieu de l’Atlantique, à égale distance d’une terre de chaque côté.

On rêve, on pense, on essaie d’imaginer notre voilier au milieu de cette immensité, on aimerait voir plus loin que l’horizon.

On trace notre route, on fait des points sur la carte de l’Océan Atlantique, on avance doucement, mais sûrement, on croise les longitudes. On sait où on va, combien de milles parcourus, combien de milles restants.

Dire qu’on fait la même route que les grands navigateurs, qui eux il y’a plus de 500 ans, sont partis à la conquête du nouveau monde, sans carte, en ignorant où ils allaient, sans savoir pour combien de jours de mer et dans quelles conditions, c’était une sacrée aventure.





L’annexe

On a mis l’annexe à l’arrière, comme d’habitude, sans son moteur, mais cette fois-ci Guy l’a redressé, pour que l’on soit protégés du vent et pour éviter qu’une déferlante ne la remplisse et casse le portique avec son poids. 





Poissons volants

Le jour on peut aisément voir des poissons volants au ras des vagues, il suffit de rester quelques minutes à scruter la mer.

Pendant la nuit, beaucoup atterrissent sur le pont du bateau ! ou sur mon épaule (j’aime pas trop), ou dans le cockpit. Ils sont attirés par les lumières, les feux de navigation ou ma lampe frontale lorsque je bouquine.

Rituel matinal, on fait le tour du pont, et on compte... 

Certains étaient énormes, on aurait pu les garder pour les manger.





Mais on avait acheté sur le marché de Praïa à Santiago le matin du départ 5 petits poissons pour 400 escudos (moins de 4 euros). Ils nous ont fait trois repas complets, un jour sur deux, selon l’envie et l’état de la mer. Merci le frigo et le congélo !





Jeudi 30 janvier ou la pêche miraculeuse…

La plus belle journée !

Guy met une ligne de traïne dès le matin, puisqu’on a mangé les poissons du cap vert. Pendant la sieste de Guy, le moulinet se déroule ! Bon sang, ça tire. Je réveille le capitaine, et oui, en enroulant la ligne, Manoa qui scrute la ligne nous dit qu’il voit un gros poisson sauter. Guy parvient à ramener le tout, rien ne casse et il attrape le poisson avec l’épuisette sur le côté.



Du rhum capverdien dans l’ouïe pour le tuer. Merci les copains, c’est un excellent conseil, efficace, rapide, ça évite de lui taper dessus avec une pagaie ou une clef à molette.




Le poisson est énorme, on en revient pas, les enfants sautent de joie. C’est quoi ? Guy me dit que c’est surement une dorade, puisque tout le monde pêche des dorades... Je jette un œil au bloc marine (bloc méditerranée, mais ça devrait aider quand même), et en effet il s’agit bien d’une dorade coryphène. Elle est jaune et bleue, magnifique, environ 75cm de long. De vrais pro… comme si on avait fait ça toute notre vie.








Louna me dit qu’il faut vite faire du riz. Mais on va le vider, le couper en morceaux et le mettre au frais, on mangera le premier bout demain midi au barbecue, c’est plus facile quand il fait jour.

Et c’est parti pour un peu de sang…

Cette belle dorade nous donnera 3 bons repas, accompagnés de riz, bananes, ananas et lait de coco pour ceux qui aiment, riz blanc pour les autres. Quel régal ! Le goût est exquis, bien meilleur que la bonite ou tout ce qu’on a déjà mangé.



Moins d’une heure après avoir jeté tête queue et entrailles de la dorade à la mer, on prend tous les quatre une bonne douche sur le pont, toujours un peu sportif de remplir le seau en avançant à 6 nœuds, mais ça le fait. On a à peine le temps de se sécher, qu’on remarque un gros poisson qui nous suit dans les vagues. On dirait un gros dauphin, mais il a la lenteur et la grâce de la baleine, et est seul. On ne sait pas ce que c’est, il ou elle a joué pendant une heure avec nous, autour du voilier, d’un côté puis de l’autre, rasant la coque ou repartant à 50 mètres. Un animal qui mesure environ 5m de long, le museau éffilé comme le dauphin, le ventre blanc, on dirait une petite baleine, ou un cachalot ? On n’a pas de livre sur les poissons et mammifères de l’Atlantique.







En tout cas ce fut un super moment, les enfants étaient tous excités et sautaient sur le pont.

Après une journée comme ça, soleil, chaleur, mer belle, bon vent, et des bonnes surprises que la Nature nous a offertes, on se dit qu’on pourrait rester encore des semaines à naviguer, on est bien, loin de l'agitation du monde.





Une bouteille à la mer

Seconde bouteille à la mer depuis le début du voyage.

Dessins, coordonnées, position GPS, date… allez hop ! on espère qu’elle ne se brisera pas sur des rochers, mais qu’elle arrivera tout doucement sur une plage de sable et que quelqu’un la trouvera.






Etant donné les courants et les vents, on aura peut-être un message depuis le sud des Antilles, ou le Brésil ?...





Des dauphins

Par deux fois, ils sont venus jouer dans l’étrave du bateau.                








Astronomie et sextant

Etant donné notre route quasi pleine ouest, l’étoile polaire est toujours au même endroit, à tribord, à 15° au-dessus de l’horizon.

Lorsqu’il n’y a pas de nuages, les constellations sont superbes, le ciel est net et il y’a tellement d’étoiles que c’est difficile de se repérer. La voie lactée est très contrastée. Dire que ‘chez nous’ on ne la distingue plus… à cause de la pollution.

J’ai sorti mes cartes du ciel spécifiques pour les basses latitudes (proches de l’équateur), merci Franck ! Et j’ai découvert de nouvelles constellations, les anciens avaient vraiment de l’imagination. Il y’a ce grand navire au sud, énorme carène, voiles et poupe avec boussole et sextant. Et il y’a la croix du Sud, mais c’est plutôt Guy qui en a profité, car à cette période de l’année elle ne se lève qu’après 1 heure du matin.

En mer, les cinq premiers degrés au-dessus de l’horizon sont toujours brumeux.

Seul regret, on aurait du mettre une ‘fenêtre’ sur le taud, car je me prends des torticolis à observer le ciel de part et d’autre de la toile. En navigation, seule la nuit, j’évite de me promener sur le pont.

J’ai enfin pris le temps de sortir mon sextant de sa boite la seconde semaine de transat, avant cela, mer trop agitée et beaucoup de nuages. Et j’ai réétudié les docs pour faire le point avec le soleil, calcul de la hauteur à la méridienne. Ce n’est pas facile puisqu’il faut réaliser des mesures avant que le soleil ne soit au méridien, pendant (il est à 180° plein sud), et après. En plus ça tombe à l’heure du repas. J’apprends et je teste doucement. Pour la longitude, c’est un peu plus compliqué.




La lune nous a accompagné les premières nuits, ensuite nuit noire…

Et les derniers jours, la voici à nouveau, se couchant plusieurs heures après le soleil. Elle est à l’ouest, devant l’étrave, et donne l’impression de nous montrer le chemin, c’est beau d’avancer sur cette ligne lumineuse…





Lever et couchers de soleil

Presque autant de levers de soleil et de couchers qu’il y’a eu de jours de transat, mais toujours pas de rayon vert…


matins










et soirs 









Samedi 1er février

Zut, le mois de février commence sous la grisaille, ainsi que les deux nuits qui l’entourent, pas d’étoiles. Mais il fait chaud.

Pas d’étoile, pas de soleil pour faire le point, heureusement que l’électronique se fiche de la couverture nuageuse.





Les grains et arc-en-ciels

On aura droit à beaucoup de grains jusqu’à la fin de la transat, mais cette eau douce tombée du ciel est la bienvenue, elle rince les cordages, les voiles, les filières, et nous on est à l’abri sous le taud.

La nuit c’est un peu plus délicat, car certains sont gros et on ne les voit pas trop venir… on constate seulement qu’une partie du ciel est sans étoiles, de là à dire si le nuage qui les cache est gris foncé ou noir…










LE gros grain (nuit du 1 au 2 février) : ou comment passer d’une navigation paisible à une mini tempête en 2 minutes… (endommager le tangon pour la seconde fois, et manquer griller l’éolienne) :

0h15 je somnole plus ou moins à l’intérieur, dans le carré, un livre à la main, les paupières de plus en plus lourdes. Vent 18-20 nœuds, allure tranquille, presque toute la toile (GV 2 ris, trinquette + génois tangonné réparé).

0h17 le voilier fait une embardée sur tribord (la poupe poussée par une grosse vague) plus importante que d’habitude, je le sens, je me lève en me disant que le voilier va trop à droite cette fois-ci, et que le pilote Auto ne va peut-être pas récupérer. Je sors rapidement, et en effet le bateau remonte au vent et gîte beaucoup, Guy se réveille instantanément (Manoa a failli tomber de sa bannette, il nous le dira le lendemain), il choque la GVoile pour atténuer l’inclinaison du bateau, pendant que je redresse la barre, je suis en tee-shirt et il pleut à l’horizontale, je me demande pourquoi j’ai pris une douche l’après-midi… ? je ne sais pas s’il faisait froid, pas eu le temps d’y penser. Puis il enroule le génois en urgence. Je reprends le cap difficilement, on fonce à 9 nœuds ! J’allume le tacktick, ah bein oui il y’a 42 nœuds de vent !! Avec 3 voiles, pas étonnant qu’en se retrouvant au travers du vent, il y’a eu une bonne gîte ! Tout ce qui n’était pas assez bien calé est tombé évidemment.

0h20 Une odeur de brûlé… le pilote ? non il fonctionne et répond correctement. Guy pense tout de suite à l’éolienne et au régulateur, en effet elle a tourné très vite d’un coup, trop vite, le régulateur a coupé mais un peu tard, les fils ont été en surchauffe, mais rien de grave. Ni l’éolienne ni le boitier régulateur n’ont eu d’avarie, ouf…

Ca durera environ 10 minutes à cette allure là, avec un bruit du diable, et le vent qui siffle fort, puis ça faiblit doucement pour réatteindre 20 noeuds, il est 1h10 du matin, oufff ça réveille un truc pareil.

Le radar avait vu arriver le grain, il avait sonné pendant sa période de veille antérieure, mais de nuit il est difficile de savoir si c’est un grain qui va provoquer seulement quelques noeuds en plus, ou une tempête. Heureusement que la mer n’était pas formée, la journée précédente avait été calme.

La réparation de l’embase du tangon effectuée par Guy a tenu, mais ça a lâché ailleurs…

Aucune voile déchirée, ouf.





Lundi 3 février

16h30 : passage à la longitude 55° ouest, on entre dans le dernier grand carré de notre grande carte marine de l’océan atlantique, ça va aller vite maintenant, la Martinique n’est plus très ‘loin’… située à 61° ouest  (1° = 60 milles).

                





Le rythme

Fatigue les deux premiers jours, petit mal de mer pour Guy et Manoa, surtout dû aux mauvaises conditions de navigation, puis ensuite on a tous pris le rythme, la fatigue a disparu, même plusieurs journées sans sieste pour moi.

On a fait des quarts plus longs que pendant les deux premières traversées, je commence le début de nuit et Guy prend la suite vers 2heures du matin, jusqu’au lever du jour. Ce qui fait des quarts d’environ 5 heures chacun, afin d’éviter de couper la nuit en trois morceaux. Le traffic et les dangers étant très faibles, on est loin de toute côte, avec le radar, on peut somnoler et même dormir une demi-heure sans problème, ce qui facilite la veille.

Les enfants ne se sont pas du tout ennuyés, ils se sont bien occupés.


déguisements madras



legos


Ils guettent les poissons volants, les grosses vagues, en jetant les coquillages capverdiens par dessus bord :







tresses pour Louna, pour limiter les noeuds
















  




confection de couronnes :

campement dans la salle de bain :

La nuit, on ne les entend pas, ils dorment comme à la maison.

Manoa demande régulièrement combien de nuits on va passer en mer. Louna demandait les premiers jours en se levant, si on voyait l’île de la Martinique, ensuite ça lui a passé.

Les matinées sont bien remplies, école, lessive quand le temps le permet, préparation du repas de midi… Les après-midi sont plus cools, on peut souffler un peu.


le linge qui sèche sous les alizés


J’ai réussi à faire l’école à Manoa tous les matins, depuis le lendemain du départ jusqu’au jour de l’arrivée, même les samedi et dimanche. Avec des cachets contre le mal de mer pour Manoa durant les deux premiers jours, il a pu rester dans le carré et étudier, et par la suite, plus de problème. Il n’était pas envisageable de ne pas faire l’école pendant plus de deux semaines, il y’a déjà trop souvent des séances qui passent à la trappe quand on est à terre. Le rythme a été bien respecté, il était de plus en plus motivé au fil des jours, et moi plus calme et plus sereine.


La navigation

plusieurs allures, beaucoup de réglages de voiles.


GV + génois tangonné, plus ou moins enroulé :



Génois + trinquette seuls :

 MOANA avec trois voiles :



Les problèmes mécaniques

Bein oui, ça nous manquait…

-          1. Le tangon

Jeudi 23, sieste et repos… quand on se fait ‘réveiller’ par un gros bruit ! L’embase du tangon (côté mât) casse, au bout de 48 heures, ça commence mal… Au portant, sans tangon, ça va être problématique. C’est la pièce en plastique qui a fendue.

Etant donné qu’il ya du vent fort, on envoie la trinquette à la place.

Il n y’a heureusement pas trop de dégats, pas de hublot transpercé ni la tête de quelqu’un passant par là. Juste quelques éraflures sur le pont, un rocker-stopper éclaté et une manche à air dont les pattes de fixation ont été arrachées. Un tangon fou et incontrôlable, c’est dangereux.

Guy parviendra à faire une réparation de fortune, et il prend soin désormais d’attacher le tangon pour ne pas qu’il tombe sur le pont ou à l’eau en cas de nouveau pépin. La réparation tiendra bon.

Quelques jours plus tard, c’est l'un des deux embouts du tangon qui lâche, zut…

Là encore Guy parvient à bricoler un truc pour qu’on puisse encore se servir du tangon.





On achètera les embouts et l’embase en Martinique, c’est classique on devrait ne pas avoir de mal à trouver. On gardera les ‘réparés’ comme pièces de rechange pour la suite.



-          2. Les chariots (coulisseaux) de Gvoile

Le même jour, le jeudi 23, on remarque que le coulisseau le plus haut, en tête de voile, est sorti du rail, et Manoa trouve des billes sur le pont. Puis idem pour le second coulisseau un peu plus tard. C’était les deux derniers chariots à roulement à billes en place, les autres cassés avaient été remplacés en novembre par des coulisseaux à friction, avant Gibraltar.




On ne touche à rien, il y’a trop de vent, la drisse de GVoile maintient la voile, pas de problème pour le moment. Ca restera comme ça trois jours.

Guy affale la GVoile le lundi suivant une fois que le vent a faiblit (18 nœuds). Il remplace les deux chariots cassés par deux neufs à friction qui on le sait (c’est pour cette raison qu’il ne les avait pas mis) coulissent très mal, même après quelques coups de lime. La GVoile finit par monter, très difficilement. En vent arrière, ça force beaucoup, les manœuvres sont dures.

Deux jours plus tard, quelle bonne surprise ! On se rend compte que les deux chariots ont lâchés également ! Bon sang ils étaient comme neufs (à peine 3 mois de vie)… ras le bol, on est dégoutés.


atelier mécanique :


à gauche un 'cassé', à droite un 'pas cassé'


Reste plus qu’à espérer que les tiges de teflon de bon diamètre vont aller parfaitement et ainsi bien remplacer les anciennes billes, dans les anciens chariots.

C’est tellement bien une GVoile qui monte et qui descend, et encore mieux une GVoile qui monte et descend sans forcer…



-          3. Le safran

On a un soucis depuis plusieurs mois avec le safran, les bagues ont du jeu.

Résultat on prend l’eau, régulièrement Guy pompe la câle, et moi j’éponge les coffres sous les cabines arrière.

Il fait du bruit et tape.

Pas de risque de le perdre en route, car ce n’est pas un safran suspendu mais un safran à ailerons.

Pour autant il faut que l’on s’occupe de lui sérieusement avant d’aller dans le Pacifique. On verra ça lors du prochain carénage, à Sainte Lucie, Grenade ou à Trinidad (trop cher de sortir le voilier en Martinique).





4. Notre ami AUTO (le pilote automatique) a encore parfaitement fait son travail, c’est notre meilleur barreur, il mange de l’énergie mais est très efficace et ne fatigue jamais. Une transat sans lui aurait été bien plus fatigante, ce n’est pas comparable. En tout cas on n’a pas envie de le savoir…

C’est agréable de prendre la barre quelques heures pour jouer, mais 24 heures sur 24, c’est une autre histoire.





Les derniers jours

Il fait très beau, très chaud, le vent ne souffle plus qu’à 15-17 nœuds. On avance plus qu’à 5 voire 4,5 nœuds.

Il semble maintenant que les milles défilent plus vite, le décompte s’emballe… c’est juste une impression, puisqu'on avance moins vite qu’au début.

écran du GPS traceur :




On profite au maximum de la navigation qui est calme, la mer n’est pas agitée, la houle faible. Je respire à fond, bientôt finies la solitude et la tranquilité.

Mais en même temps on est impatients, on va retrouver les copains, et on va se jeter dans la mer chaude des Caraïbes, youpiiii. Un autre rythme va s’installer, plage, baignade, nage au milieu du corail, et on va croquer dans les fruits, boire du rhum et déguster du poulet boucané ou poisson grillé… ouais c’est pas mal aussi, même si on ne sera plus ‘seuls au monde’…

La dernière nuit, j’ai essayé de tenir la veille seule, pour profiter au maximum du ciel étoilé, ne pas louper la première vision de la Martinique, et apprécier le dernier lever de soleil. Je suis un peu fatiguée mais ce n’est pas grave puisque le soir suivant on pourra faire une bonne nuit complète.

En fait, c’est loupé, je verrai à peine quelques étoiles, la nuit sera remplie de nuages, de grains et d’éclair de chaleur, et la Martinique tarde à se montrer derrière les nuages.





Arrivée le jeudi 6 février :

2h du matin : on distingue un halo lumineux devant l’étrave, entre les nuages, ça y’est ! On savait bien qu’elle était là, et pourtant le moment est tout de même magique.

3h : il ne reste plus que 20 milles à parcourir jusqu’à la pointe sud de la Martinique.

On a traversé l’océan, bon sang, ça fait des gargouillis dans le ventre.

J’ai réalisé mon rêve, une transatlantique, ce rêve que j’avais depuis plus de dix ans… A l’époque je voulais atterrir en Guyane, mais comme notre grand voyage va se prolonger vers l’ouest et qu’on veut profiter des Grenadines, on arrive plus au nord.

6h20 : le jour se lève sous un ciel chargé. 




On distingue l'île. 


La Martinique ressemble à un hippocampe tête en bas ! il suffit de retourner la carte. Manoa a découvert ça le jour de l'arrivée.






Tiens, au fait on va parler français dans la rue, les magasins,…  depuis 6 mois qu’on ne parle qu’espagnol et portugais, ça va faire du bien.


Ce qui nous frappe le plus, c’est l’odeur, ça sent la terre et la forêt humide.



Rocher du diamant au loin :



entrée dans la baie de Sainte Anne (chenal pour le Marin au fond)





8h On jette l’ancre dans la baie de Sainte Anne, devant l’anse Caritan.


Voilà on est arrivés : entre Sainte Lucie au sud et la Dominique au nord.




Après les grains, on est accueilli par notre copain Eric du voilier Miss Scarlett rencontré à Lanzarote et retrouvé à Las Palmas, il vient vers nous avec son kayak, et emmène Manoa en balade.



Ca y’est on se sent ‘chez nous’, palmiers, maisons créoles, jolies plages, cocos, accras, poulet boucané, couac et ti-punch…

Pour le beau soleil, il nous faudra attendre encore quelques jours, mais il fait chaud et l’eau est bonne !

A nous la Martinique !





La transat en chiffres :

Nb de milles parcourus : 2180 (4037 km) au total

Nb de milles par 24 heures : en moyenne 139 milles. Record 156 milles, minimum 120. On est plutôt content, notre gros MOANA a bien avancé.

Nb de jours : 15 jours (16 nuits) et 17 heures.

Force du vent maximum : 42 noeuds

Vitesse moyenne : A part le premier jour, ce sera à peu près constant, entre 5 et 7 nœuds, moyenne de 5,9 nœuds. Vent constant autour de 25 nœuds les premiers jours, GV 3 ris et trinquette, puis autour de 20 ensuite, GV arisée et génois tangonné (quand celui-ci était opérationnel).

Vitesse max de MOANA : un surf à 15 nœuds le dimanche 27 janvier.

Le cap : Sur la carte, ‘logiquement’ on devrait faire un cap de 270°, étant déjà à la latitude de la Martinique au départ du Cap Vert. Mais c’est sans compter sur la déclinaison des Antilles, environ 13°, et la courbure de la Terre, je ne sais pas si c’est la seule explication ? On va en réalité faire tout le long du parcours (autant que le vent nous l’aura permis) un cap à peu près à 285°. On voit sur la carte papier que l’on monte en latitude jusqu’à mi-chemin et ensuite on redescend doucement, pourtant le compas indiquait toujours la même direction… déboussolant, c’est le cas de le dire.


carte transverse de l'atlantique (ou route du rhum)



 départ :

 arrivée :




-4 Heures : on est parti du cap Vert à TU-1h, pour arriver en Martinique à TU-4. On aura donc reculé 3 fois d’1 heure. Lorsqu’on trouvait que le soleil se levait et se couchait trop ‘tard’ pour les tropiques, on reculait d’une heure le lendemain.

6 bateaux croisés : 1 bateau de pêche le second soir, 3 cargos, 1 pétrolier et 1 bateau de croisière

1 voilier français avec qui on a parlé à la VHF deux  jours avant l’arrivée, en route pour la Martinique également, provenant des Canaries. Une fois à Ste Anne, on les retrouve et on se rend compte qu’on les connait de Las Palmas.

59 poissons volants

1 dorade coryphène pêchée, sur une seule journée de pêche, donc logiquement on aurait pu en prendre 15… J

3 ‘ti punchs, pour fêter les 3 repas que nous a offerts la dorade

2 groupes de dauphins

1 baleine ou cachalot, ou plutôt 1 MMNI (mammifère marin non identifié)

13 jours de soleil

Une 20taine de grains

3 arc-en-ciels



Et plein plein de moments de bonheur…








retour Cap Vert - Santiago











retour Grand Voyage